Assurance-maladie: le modèle Singapour

Le compte épargne-santé semble avoir permis à la cité-Etat d'enrayer la hausse des coûts.

En 1984, Singapour introduisait les comptes épargne-santé pour succéder à un système d'assurance- maladie largement socialisé. Depuis, cette réforme a porté ses fruits, explique l'économiste lucernois Charles Blankart, professeur à l'Université Humboldt de Berlin: au moment où l'Allemagne, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis voyaient leurs dépenses de santé exploser, la cité-Etat, elle, les maintenait tranquillement sous la barre des 4% du PIB. Charles Blankart était l'invité, vendredi à Zurich, d'un symposium organisé par le Liberales Institut sur le thème de l'Etat social.

L'exemple du système de santé singapourien s'inscrivait dans une réflexion plus large sur «le cercle infernal de la redistribution et les solutions orientées vers l'économie de marché». En matière de santé, ce cercle vicieux serait attisé dans l'absolu par un «droit» présumé de chacun aux soins médicaux les plus performants: comment limiter une demande infinie, sans compter les incitations à surconsommer, lorsque le patient est privé de sa responsabilité financière? En ce sens, les comptes épargnesanté (Medical Saving Accounts, MSA) sont l'exemple même d'une réponse «intelligente», fait valoir Blankart. Les MSA présentent l'avantage de renforcer la responsabilité de l'assuré par une individualisation des coûts. En gros, ce système laisse au patient la gestion du risque maladie: en supportant la totalité des coûts dans la limite de la franchise, l'assuré est supposé être attentif à ne pas consommer de soins de manière superflue.

Dans le détail, chaque individu verse une cotisation obligatoire comprise entre 6 et 8% de son revenu, le taux étant modulé selon l'âge. Une partie de cette cotisation finance la prime d'une police d'assurance dont la franchise est très élevée. Le reste est versé sur un compte dont l'emploi est pour l'essentiel réservé au financement des dépenses de santé. En pratique, l'assuré finance ses soins en prélevant sur son compte tant que la franchise annuelle n'est pas saturée. Il n'aura donc recours à l'assurance qu'en cas de dommage lourd ou bien au terme d'un nombre important d'interventions sanitaires.

En Suisse, les MSA ont parfois été évoqués dans le débat public comme une réponse possible au subventionnement massif des personnes âgées par les actifs, qui grève le budget des jeunes. Mais ce système soulève plusieurs questions. Force est de constater, par exemple, qu'il n'est équitable qu'à long terme du point de vue intergénérationnel. Durant la phase transitoire, les jeunes devraient cotiser pour eux et continuer à payer pour les personnes âgées qui n'ont pas pu cotiser étant jeunes.

Guillaume Meyer, L'Agefi

14. Juni 2010