Résumé : Tout au long de l’histoire, des âges d’or ont émergé lorsque les sociétés ont fait preuve d’ouverture, de curiosité et d’innovation. Dans son livre Peak Human, Johan Norberg explore comment des civilisations, de la Chine des Song à la République des sept Provinces-Unies des Pays-Bas, se sont développées grâce au commerce, à la liberté intellectuelle et aux échanges culturels, avant de décliner lorsque la peur et le contrôle ont remplacé le dynamisme. Il met en garde contre le fait que notre prospérité actuelle ne dépend pas de menaces extérieures, mais de notre choix de maintenir ou d’abandonner l’ouverture qui l’a rendue possible.
«Chaque innovation technologique majeure […] est un acte de rébellion non seulement contre les idées reçues, mais aussi contre les pratiques existantes et les intérêts en place» affirme l’historien économique Joel Mokyr. Il aurait pu en dire autant des innovations artistiques, commerciales, scientifiques, intellectuelles et autres.
Dans son nouvel ouvrage qui tombe à point nommé, Peak Human: What We Can Learn from the Rise and Fall of Golden Ages (L’apogée de l’humanité : ce que nous pouvons apprendre de l’ascension et du déclin des âges d’or), le chercheur suédois Johan Norberg passe en revue les épisodes historiques au cours desquels de tels actes de rébellion ont donné naissance à des civilisations exceptionnelles.
Qu’est-ce qui caractérise un âge d’or ? Selon Norberg, ces périodes remarquables sont le fruit de sociétés ouvertes, notamment au commerce, aux personnes et aux échanges intellectuels. Elles se distinguent des autres sociétés contemporaines par leur optimisme, leur croissance économique et leurs avancées dans de nombreux domaines.
Les civilisations qui ont connu des âges d’or ont à la fois imité et innové. La Rome antique s’est approprié et a adapté l’architecture et la philosophie grecques, mais elle était également relativement ouverte aux immigrants et aux étrangers : être romain était une identité politique, et non ethnique. Le califat abbasside, qui a vu le jour il y a plus de mille ans, était l’endroit le plus prospère du monde. Il avait établi sa capitale, Bagdad, au «centre de l’univers» et, de là, encourageait la tolérance intellectuelle, le savoir et le libre-échange, ce qui a permis l’épanouissement des sciences, du savoir et des arts, sur lesquels les civilisations suivantes se sont appuyées.
La Chine sous la dynastie Song était particulièrement impressionnante. «Aucune civilisation classique n’a été aussi proche de déclencher une révolution industrielle et de créer le monde moderne que la Chine des Song», écrit Norberg.
Cependant, cet épisode, comme d’autres par le passé, n’a pas duré : «Tous ces âges d’or ont connu un moment décisif», observe Norberg, «lorsqu’ils ont renoncé à leur engagement antérieur en faveur d’un échange intellectuel ouvert et ont abandonné la curiosité au profit du contrôle».
La tyrannie du statu quo est une menace permanente : «Les élites qui ont suffisamment profité de l’innovation qui les a élevées veulent détruire l’échelle qui leur a permis d’accéder à leur position», tandis que «les groupes menacés par le changement tentent de figer la société». La Renaissance italienne, par exemple, a pris fin lorsque les protestants et les catholiques de la Contre-Réforme se sont affrontés et ont formé des alliances avec leurs États respectifs, facilitant ainsi la répression.
Nous vivons aujourd’hui un âge d’or qui trouve ses origines dans l’Angleterre du XVIIe siècle, elle-même inspirée par l’âge d’or de la République néerlandaise. C’est en Angleterre, au XVIIIe siècle, que la révolution industrielle a commencé, entraînant une explosion de la richesse et une sortie de la pauvreté pour une grande partie de l’Europe occidentale et ses prolongements, notamment les États-Unis.
Et ce sont les États-Unis qui, depuis le siècle dernier, ont servi de pilier à un système international fondé sur l’ouverture et les principes qui ont fait le succès de la sphère anglophone. Ainsi, la plupart des pays du monde profitent actuellement d’un âge d’or, marqué par une amélioration sans précédent des revenus et du bien-être à l’échelle mondiale.
Donald Trump affirme vouloir inaugurer un âge d’or et fait appel à un passé supposé meilleur aux États-Unis. Pour atteindre son objectif, il affirme que les États-Unis n’ont pas besoin des autres pays et que le protectionnisme qu’il impose au monde est nécessaire.
Trump n’a pas tiré les leçons du livre de Norberg. L’une des plus importantes est que les facteurs qui mettent en danger la poursuite d’un âge d’or ne sont pas externes, comme une pandémie ou un prétendu choc des civilisations. Selon Norberg, le facteur déterminant est plutôt la manière dont chaque civilisation gère ses propres conflits internes et décide de rester ou non en phase d’apogée historique.
Une version en espagnol de cet article a été publiée par El Comercio au Pérou le 6 mai 2025. Ian Vasquez est vice-président des études internationales au Cato Institute, directeur de son Center for Global Liberty and Prosperity et coauteur de The Human Freedom Index.