La Suisse demeure en 2014 le pays le plus libre économiquement en Europe. Elle se maintient en quatrième place mondiale, derrière Hong Kong, Singapour et la Nouvelle-Zélande. Cependant, sur les dix dernières années, la Suisse a perdu une avance considérable, notamment en raison d’un affaiblissement de la sécurité du droit. L’indice 2014 des libertés économiques, coédité en Suisse par l’Institut Libéral, indique également une tendance similaire dans les grands pays avancés, comme les États-Unis, l’Allemagne, la France et l’Italie.
Parmi les dix pays les plus libres sur la plan économique, Hong Kong (8,98 points), Singapour (8,54), la Nouvelle-Zélande (8,25) et la Suisse (8,19) sont suivis de l’Île Maurice (8,09), des Émirats arabes unis (8,05), du Canada (8,00), de l’Australie (7,87), de la Jordanie (7,86), ainsi que du Chili et de la Finlande, premier pays de l’Union européenne (tous deux 7,84).
Parmi les économies les plus importantes, la Grande-Bretagne arrive au 12e rang (7,81), à égalité avec les États-Unis, le Japon se hisse au 23e rang (7,60), l’Allemagne au 28e (7,55), la Corée du Sud au 33e (7,46), la France au 58e (7,21), l’Italie au 79e (6,92), la Russie au 98e (6,65), le Brésil au 103e (6,61), l’Inde au 110e (6,49) et la Chine au 115e rang (6,39).
L’indice de liberté économique, conceptualisé par le lauréat Nobel Milton Friedman, est produit par l’institut canadien Fraser en coopération avec 90 institutions indépendantes dans le monde (dont l’Institut Libéral en Suisse) et fait figure de référence scientifique en la matière. Il évalue le cadre institutionnel d’un pays sur la base de 42 indicateurs et établit ainsi le classement des pays examinés. La liberté économique est mesurée dans cinq domaines: (1) l’ampleur de l’activité de l’État, (2) la primauté du droit et la sécurité de la propriété privée, (3) la stabilité de la monnaie, (4) le libre-échange international et (5) la densité réglementaire.
Le lien positif entre les libertés économiques et les différents indicateurs de la qualité de la vie, comme le revenu, la croissance économique, la réduction de la pauvreté et l’espérance de vie est avéré. Les États dans le premier quartile des pays les plus libres affichent un revenu moyen par habitant (corrigé du pouvoir d’achat) de 39.899 dollars, alors que ceux dans le dernier quartile n’atteignent que 6253 dollars. Le revenu des 10% des habitants les plus pauvres du premier quartile se monte à 11.610 dollars, pendant que les 10% les plus pauvres du dernier quartile doivent se contenter de 1358 dollars, près d’un dixième. L’espérance de vie dans les économies libérales atteint 79,9 ans, soit seize ans de plus que dans les économies réprimées.
Le rapport annuel de l’indice examine entre autres cette année la liberté économique dans les pays arabes. Le «printemps arabe» n’a guère conduit aux résultats escomptés. L’absence de vision de politique économique en limite fortement la portée: la démocratie, sans la démocratie du marché, à savoir la liberté de prospérer, n’a pas beaucoup de sens. L’expérience montre que si les changements politiques ne sont pas accompagnés de libéralisations économiques, les risques de régression sont substantiels. Ceci étant, l’examen individuel des pays laisse entrevoir quelques lueurs. Certains États du Golfe affichent un degré relativement élevé de liberté économique, sans nier le défi posé aux femmes, dont seulement 26% (soit la moitié de la moyenne mondiale) sont actives dans la région. Les émirats, le pays le plus exemplaire en termes de libre-échange et d’État de droit, à travers notamment la protection légale de la propriété, n’est peut-être pas par hasard celui où les droits politiques sont les moins étendus. Pour beaucoup de résidents, la valeur d’alterner des dictateurs arbitraires ou des dirigeants démagogiques à travers l’artifice des urnes n’est pas comparable à celle de bénéficier de droits individuels beaucoup plus étendus que la moyenne régionale ou mondiale.
Que ce modèle puisse perdurer est une autre question: même Hong Kong, tout à fait inégalé en termes de libertés économiques, ne semble plus se contenter d’une gouvernance technocratique. Les petits États s’avèrent généralement plus stables et prospères, et plus ouverts vers une diversification à terme, même si les recettes usuelles font encore foi. Le sultanat d’Oman, comme les Émirats, a augmenté quelque peu les dépenses publiques et les programmes publics d’emplois en réponse aux troubles liés au printemps arabe. Le Qatar, en revanche, affiche une résilience à toute épreuve. La gestion de la prospérité dans une économie peu réglementée (malgré le poids de l’État lié à la dominance de l’énergie) en fait une sorte de Monaco pétrolifère, où le plein emploi est la règle, avec un taux de chômage de 0,6% (1,7% pour les jeunes). Le roi a abdiqué l’an dernier en faveur de son fils et les libertés civiles sont généralement mieux reconnues que ce n’est le cas ailleurs. L’Algérie est le contre-exemple de l’économie la plus réprimée (elle est devancée par l’Iran et précède de peu le Zimbabwe). Malgré une amélioration sur le front de l’emploi sur la dernière décennie, ses scores sont souvent deux fois inférieurs à la moyenne de la région, qu’il s’agisse du poids de l’État, de la protection de la propriété privée ou de la liberté des échanges. S’il y a une leçon à tirer de la diversité des pays arabes, c’est qu’il n’y a pas de fatalité à cette situation.
Lire le rapport:
Economic Freedom of the World (282 pages, PDF)