L’incertitude qui entoure le nouveau gouvernement américain a conduit à beaucoup de spéculations non seulement sur ses intentions, mais aussi sa politique effective. Une manière de communiquer peu orthodoxe, de même que le rejet qu’inspire à la plupart des médias et des observateurs internationaux le président actuel des États-Unis accentuent les interrogations qui entourent ce qui reste, qu’on le veuille ou non, l’une des influences prépondérantes dans les politiques publiques menées au niveau mondial. La Suisse en a fait l’expérience avec le revirement du gouvernement précédent en matière de concurrence fiscale et de sphère privée financière, qui a conduit à l’adoption, au niveau mondial, du principe controversé de l’échange automatique d’informations bancaires à des fins fiscales, en contradiction des règles de justice et de prudence les plus élémentaires.
Les bruits protectionnistes et les velléités de nationalisme économique du nouveau gouvernement américain ont encouragé le sentiment que le nouveau président ne comprend pas réellement le fonctionnement d’une économie intégrée.
Pour faire la lumière sur ces questions, l’Institut Libéral a tenu le 12 juin à Genève une rencontre autour de l’économiste Daniel J. Mitchell, chercheur senior au Cato Institute de Washington, qui a analysé la situation de façon à la fois sobre et exhaustive, en distinguant les effets d’annonce de la réalité, et en nuançant les attentes que l’on peut raisonnablement avoir envers la politique des États-Unis.
Des perspectives libérales peu claires
En matière de politique monétaire, tout d’abord, il n’y a pas de philosophie cohérente qui émerge à ce stade. Le président Trump a déclaré qu’il était en faveur de l’étalon-or en même temps que des taux d’intérêt bas, et il se rattache à l’idée de booster artificiellement l’économie. Certaines nominations à la Réserve fédérale sont imminentes, avec des candidats qui s’insèrent dans le courant interventionniste dominant. Dans l’ensemble, l’assainissement du système monétaire ne semble pas une priorité du nouveau gouvernement.
En ce qui concerne le règne du droit et la garantie de la propriété, de nombreux libéraux (dans le sens européen du terme) craignent que le président Trump, du fait de son narcissisme patent, ne respecte pas les normes de bonne gouvernance. Mais cela était déjà le cas sous le gouvernement précédent. Il faut donc s’attendre à ce que le président Trump poursuive le trend du président Obama, avec une érosion graduelle de la liberté économique en parallèle à un renforcement du pouvoir légiférant arbitraire de l’Exécutif.
Pour ce qui est de la réglementation à proprement parler, cependant, le président Trump semble éprouver un dédain d’homme d’affaires pour les agences étatiques, et certaines de ses décisions vont indubitablement dans la bonne direction, notamment dans les domaines des télécommunications, de l’alimentation ou de l’environnement. Trump reste davantage un capitaliste de connivence que de libre marché, mais son approche de la réglementation et ses nominations à la tête des agences fédérales, au moins, tranchent avec la mentalité étatiste.
Si les signaux sont encourageant en matière de réglementation, il en va tout autrement du libre-échange, mais la rhétorique du nouveau président semble bien pire que ses véritables changements de politique jusqu’ici. Il y a des déclarations insolites, comme celle de nommer la Chine une manipulatrice de devises, et la politique se dirige clairement dans la mauvaise direction, avec entre autres la nomination de fonctionnaires ouvertement protectionnistes. En même temps, tous les groupes d’intérêt liés aux Républicains sont relativement en faveur du libre-échange, ce qui compense en partie ou au moins ralentit la vélocité d’une politique dommageable.
Enfin, concernant les finances publiques, qu’il s’agisse de la fiscalité ou des dépenses, les déclarations et les propositions du président Trump s’apparentent à première vue à son attitude en matière de réglementation. Il est en faveur d’une diminution substantielle de la charge fiscale, de l’abolition de l’impôt sur les successions, d’une réduction du taux d’imposition des bénéfices. En même temps, il émet aussi des idées moins réfléchies de déductions qui relèvent de l’ingénierie sociale ou de relèvement de l’impôt sur les gains en capital. De plus, en tenant compte de l’autre côté de l’équation, les dépenses publiques, le président Trump s’avère très faible. Les défis que représentent les programmes de redistribution dans les domaines des retraites ou de la santé ne sont guère relevés. Les coupes budgétaires proposées jusqu’ici sont plutôt marginales en comparaison. Cela relativise le potentiel de mise en œuvre des bonnes idées au niveau fiscal. De plus, le mécanisme d’ajustement fiscal à la frontière proposé par les Républicains en compensation d’autres réformes est anti-business et antiéconomique et pénaliserait lourdement les consommateurs.
Moins de financement pour l’OCDE?
En résumé, la perspective que les Républicains parviennent à réaliser un véritable tournant politique est plutôt limitée. Cela a déjà échoué dans le domaine de l’assurance-maladie, alors que les Républicains promettaient depuis six ans de renverser la réforme du président Obama. Il reste un espoir qu’après la pause estivale, ils se réveillent en réalisant qu’ils n’ont rien fait et adoptent au moins une réduction modérée du taux d’imposition des bénéfices.
Au niveau de la politique internationale, la question se pose quant à un revirement dans le domaine de la concurrence fiscale et de la sphère privée financière après l’importante régression étatiste et antilibérale sous le gouvernement social-démocrate du président Obama, qui a permis la mise en œuvre des initiatives dommageables de l’OCDE en matière d’échange d’informations. Toutes les juridictions, dont la Suisse, ont dû s’y aligner sous la menace des sanctions du G20. Cela a de nombreuses implications défavorables pour la corruption, le vol de données ou d’identité, de même que pour le respect de la sphère privée individuelle et de la propriété. Les États-Unis financent près d’un quart du budget de l’OCDE et le gouvernement actuel propose d’éliminer ce financement, ce qui serait un bon début. Cela freinerait au moins les forces anticoncurrentielles et étatistes dans le monde, même si l’abrogation de l’échange automatique d’informations semble difficilement envisageable.