Björn Lomborg, écologiste sceptique, pourfend Kyoto et défend la croissance

Le monde se porte mieux, déclare le célèbre le professeur danois. Placer le traité de Kyoto au centre des préoccupations serait une lourde erreur.

Rares sont les écologistes qui refusent de placer la protection de l'environnement en tête des priorités. C'est pourtant le cas de Björn Lomborg, jeune Danois de 39 ans, auteur de L'écologiste sceptique et invité du Liberales Institut, hier, à Zurich.

Professeur de statistique à l'université d'Aarhus, il est l'une des cent personnalités les plus influentes au monde, selon Time Magazine. Ses travaux sont reconnus, même s'ils ne sont pas appréciés des milieux environnementaux.

L'essentiel, pour Björn Lomborg, est de savoir si le monde se porte mieux ou s'il court à sa perte. La réponse à cette question fondamentale définira le comportement le mieux adapté. Si c'est la vision pessimiste qui prévaut à la lumière des travaux de recherche, alors les mesures à prendre seront drastiques et sans doute coûteuses. Dans le cas contraire, il faut en finir avec l'arsenal de mesures législatives en préparation.

Le consensus scientifique est clair. Sur la base de quantité de critères, le monde se porte mieux. Le niveau de vie augmente. La durée de vie s'accroît. La situation alimentaire s'améliore. Dans les pays en développement, la quantité de calories consommée par jour et par personne est passée de 1900 à 2700 en cinquante ans. C'est sans doute insuffisant et des problèmes demeurent, mais nous prenons la bonne direction, affirme cet ancien membre de Greenpeace. Si son livre est un best-seller traduit dans une dizaine de langues, son point de vue reste très minoritaire. «Les organisations environnementales ont un intérêt financier à dresser un bilan négatif. Les médias également. Et le public adore se faire peur», explique-t-il. Aucune raison ne justifie l'actuel catastrophisme sur les ressources énergétiques, poursuit-il. Il y a 80 ans, le monde pensait disposer de pétrole pour 10 ans supplémentaires. Or cette limite n'a cessé d'augmenter. Aujourd'hui nous pensons pouvoir consommer du pétrole encore 40 ans. Björn Lomborg ne craint vraiment pas de manquer de ressources énergétiques: «Nous ne sommes pas sortis de l'âge de la pierre parce que les pierres venaient à manquer.» Le progrès technologique permet à la fois d'augmenter notre consommation d'énergie et d'accélérer le processus de substitution au profit des énergies renouvelables.

Augmenter le niveau de vie

L'écologiste optimiste ne nie pas la nécessité de protéger l'environnement, ni l'intérêt d'un travail des groupes de pression. «Mais l'environnement n'a pas attendu l'arrivée des Verts pour s'améliorer.» En Europe, «la qualité de l'air s'améliore depuis 150 ans en Europe, après trois siècles de détérioration». Le paysage est différent dans les pays en développement. La situation empire à Bangkok ou à Bombay alors qu'elle s'améliore depuis dix ans à Mexico et à Santiago du Chili. Les recherches de Björn Lomborg montrent qu'une région doit atteindre un certain niveau de richesse pour modifier son comportement environnemental. La réponse adéquate aux problèmes écologiques ne passe donc pas par l'adoption du traité de Kyoto, mais par la croissance économique et l'augmentation du niveau de vie dans les pays en développement.

Nouvelle publication

L'expert danois, qui prépare la sortie d'un nouveau livre ce mois-ci (Global Crises, Global Solutions), exige donc des autorités d'une part de modifier leurs priorités, d'autre part d'estimer le coût de chacune d'entre elles. Certes le réchauffement de la planète existe, mais est-ce une priorité? Björn Lomborg chausse des habits d'économiste pour parler de science. Pour lui, la priorité devrait consister à sauver un maximum de vies humaines. Or les études montrent que, pour sauver une seule vie, nous avons le choix par exemple entre un investissement de 19 000 dollars dans des mesures d'hygiène, ou de 4,2 millions dans le traité de Kyoto. Coûteux, ce traité destiné à réduire la consommation de gaz carbonique rate sa cible.

Concrètement, l'investissement le plus rentable serait la lutte contre le sida, la malnutrition, la réduction des barrières au commerce mondial et la lutte contre la malaria. Kyoto, qui coûte 150 milliards de dollars par an sur des décennies, n'arrive qu'en 16e position.

Emmanuel Garessus, Le Temps

5. November 2004