Comment s'offrir une retraite sans AVS ni 2e pilier?
La classe moyenne doute de plus en plus du maintien du niveau de vie avec les rentes offertes par les 1er et 2e piliers. Une chance pour redécouvrir les mérites de l'épargne individuelle. Même pour les petits revenus.
L'AVS ne peut plus masquer les problèmes causés par le vieillissement démographique. Les tendances en cours au sein du deuxième pilier ne sont guère plus réjouissantes. La gauche, à travers l'initiative AVS Plus, veut renforcer les prestations. Les libéraux, à l'image de l'Institut Libéral, demandent à l'inverse la disparition de l'AVS pour des raisons éthiques et économiques et la libéralisation du 2e pilier.
Pourquoi ne pas se pencher sur une proposition alternative, à mille lieues du politiquement correct? Un plan de prévoyance sans AVS ni prévoyance professionnelle est tout à fait possible. Ce système d'épargne individualisé serait ouvert à tout le monde et pas uniquement aux riches, affirme Paolo Pamini, chercheur associé à l'Institut Libéral. Son étude (Jenseits des «Drei Säulen»-Mythos, Liberales Institut) sera traduite en français cet automne. Cet expert fiscal diplômé, maître de conférences à l'Ecole Polytechnique de Zurich (ETHZ) et membre du Grand Conseil tessinois, avance une solution qui s'avère peu sensible à l'espérance de vie et qui prend en compte la fortune pour les survivants.
Un plan d'épargne individualisé
Le plan de prévoyance vieillesse individuel se composerait de trois éléments, indique Paolo Pamini: un plan d'épargne pour constituer la fortune dont l'impact est directement fonction du moment d'entrée, un plan de placement dépendant avant tout du rendement et un plan de retraite qui définit le niveau de la rente.
Sept variables clés sont prises en compte: le début du plan, c'est-à-dire l'âge auquel le financement de la retraite débute, la fin du plan d'épargne, soit en général l'âge de la retraite, le montant de l'épargne, le rendement des placements, l'âge du versement de la première rente, l'âge du décès, le montant de la masse successorale visée.
Un exemple permet de mieux comprendre la logique de la proposition: Prenons l'exemple d'un versement mensuel de 400 francs, dès 25 ans et jusqu'à 65 ans, soit 4800 francs par an, avec un rendement annuel ajusté de l'inflation de 5% (soit la moyenne historique des actions), le décès à 90 ans. L'investissement s'élève au total à 192 000 francs et la fortune à la retraite 580 000 francs. Cet avoir de vieillesse permettrait d'octroyer une rente de 41 141 francs jusqu'à 90 ans, sans AVS ni 2e pilier obligatoire.
Mieux vaut tôt que beaucoup
Ce petit exemple permet de souligner le rôle des différentes variables. L'âge du début de la période d'épargne est absolument crucial. «Il est plus important d'épargner tôt que beaucoup», indique l'économiste. Une période d'épargne de 20 ans débutant à 20 ans, avec 5200 francs d'épargne annuelle, un rendement de 5%, une retraite à 65 ans et une espérance de vie de 90 ans, se traduit par une fortune à la retraite de 615 000 francs et une rente de 43 086 francs. Si l'on modifie légèrement le scénario en retardant à 30 ans la phase d'épargne d'une durée de 20 ans, la fortune n'est plus que de 373 000 francs et la rente 26 133 francs (en conservant inchangées les autres conditions). La rente est donc de 40% inférieure, même si le capital investi atteint 104 000 francs dans les deux scénarios. Et si l'âge initial est repoussé à 40 ans, toujours pour un même capital investi de 104 000 francs, la rente tomberait à 15 851 francs. L'économiste montre qu'une personne qui finance sa vieillesse dès 40 ans devrait épargner 14 135 francs par an et non plus 5200 francs pour obtenir une fortune inchangée de 615 000 francs à l'âge de la retraite et une rente de 43 086 francs.
Le moment du décès joue un moindre rôle. Cela signifie qu'une espérance de vie évaluée très prudemment ne conduit pas à une baisse massive de la rente. Avec une retraite à 65 ans et 609 000 francs de fortune, la rente annuelle atteint 39 169 francs si le décès se produit à 95 ans et de 48 139 francs à 85 ans. Il en résulte par ailleurs que la masse successorale est peu affectée par un décès survenant plus tard.
L'AVS ou 16 000 francs à la naissance
Un autre chiffre mérite le détour: si un enfant reçoit 16 000 francs à la naissance et si cet argent est rémunéré à 5% pendant 65 ans, il aura financé entièrement une rente équivalente à l'AVS, selon l'Institut Libéral. Un héritage de ce montant, au prix d'un renoncement à une partie de la rente, contribue donc grandement à la prévoyance des générations futures, assure l'expert.
Cette proposition alternative permet aussi de mettre en évidence des erreurs éventuelles. Paolo Pamini évoque par exemple l'effet des différences de rendement. Une baisse de 1% (donc de 5 à 4%) sur les exemples ci-dessus se traduit par une diminution de la rente de 30%. Si le rendement tombe à 3%, la rente chute de plus de la moitié. A l'inverse, si le rendement grimpe à 6% par an, la rente est relevée de 44%. L'Institut Libéral souligne ici l'impact pénalisant des frais des produits financiers et de l'inflation. «Les banques et l'État y gagnent, les épargnants y perdent», selon l'étude. Des frais de gestion de 1% par an mangent 30% de l'épargne de vieillesse.
Depuis l'introduction de l'AVS, en 1948, l'espérance de vie est passée de 68 à 83 ans. Mais l'âge de référence est resté à 65 ans pour les hommes. Le projet de réforme Berset est une fuite en avant puisqu'il est constitué à 90% de nouvelles recettes, ce qui pénalise la croissance. L'AVS devrait être supprimé et le deuxième pilier libéralisé, selon Pierre Bessard, directeur de l'Institut Libéral. Dans un premier temps, il faudrait relever l'âge de référence pour la retraite à 70 ans.
L'AVS n'est pas une assurance mais un système de Ponzi, parce qu'il utilise les cotisations de l'un pour satisfaire les besoins de l'autre. C'est un impôt et non un facteur de solidarité, puisque cette dernière est volontaire et individuelle, selon l'Institut Libéral. Le modèle de 2e pilier, certes trop régulé est «moralement supérieur» à l'AVS parce qu'il s'appuie sur la capitalisation et donc la responsabilité individuelle. Mais, selon Pierre Bessard, il «ignore la liberté de choix individuelle et la mobilité ainsi que la diversité croissante des besoins ainsi que le caractère transnational de la vie au 21e siècle».
13. Juni 2016