Opposer liberté et écologie est une impasse à double titre. Premièrement, cette opposition condamne le système politique basé sur la propriété privée et la séparation des pouvoirs, qui a pourtant fait ses preuves. Cela sans oublier qu’il ne faut pas négliger les défauts des alternatives notamment pour le climat. Deuxièmement, elle prend le risque de nous priver des outils de la prospérité, pourtant nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique.
Les institutions démocratiques modernes sont fondées sur l’idée qu’une limitation du pouvoir est nécessaire, afin d’éviter l’arbitraire et la tyrannie. La première génération des droits de l’homme sont des droits défensifs qui permettent la protection de sphères de la vie pour lesquelles l’Etat n’a pas son mot à dire. Ainsi, on sacralise la plus petite des minorités, l’individu et son «jardin» personnel. Ainsi, l’Etat et la société se séparent. Cette séparation permet la liberté politique et la responsabilité, car la possibilité de faire des choix signifie également que l’individu doit en supporter les conséquences. L’exercice de libertés politiques peut engendrer des conséquences pour des tiers, qui ne sont pas directement concernés par un échange. C’est ce que l’on nomme une «externalité». Elle peut être positive ou négative quand elle entraîne une dégradation. Ce concept est utile pour aborder la question du réchauffement climatique.
Il existe un consensus sur le besoin d’agir, la divergence est sur les moyens. En résumé, les uns souhaitent mettre en place des outils pour internaliser ces nuisances en leur donnant un prix et d’autres les faire disparaître par «décroissance». La première approche permet de remédier au problème de façon décentralisée en ciblant la nuisance, le CO2, en lui donnant un prix. En agissant ainsi, on évite de devoir définir de façon centralisée et détaillée quel comportement est autorisé ou non, laissant cette responsabilité aux individus qui font face à leur liberté, en tenant compte des externalités négatives qu’elle peut avoir. L’autre approche, qui rejette les mécanismes de marché pose la question de comment sera gérée la concentration de pouvoir politique nécessaire pour atteindre l’objectif. Cette approche entraînerait de facto une lutte politique pour savoir quel comportement est «essentiel» ou «superflu» et nécessiterait in fine un appareil de surveillance des faits et gestes des citoyens et une moralisation de la vie en communauté. Or l’arbitrage entre l’essentiel et le superflu est éminemment subjectif car dépendant des valeurs de chaque individu.
En plus d’entraîner une concentration du pouvoir politique, l’approche qui consiste à rendre la liberté responsable du réchauffement climatique néglige le fait que nous souhaitons lutter contre le changement climatique non pas pour sauver la «nature», qui se passera de nous, mais d’abord pour des motifs matériels. Car le réchauffement climatique et ses conséquences néfastes sont susceptibles de porter atteinte de façon significative à la qualité de vie des humains. De fait, une politique environnementale pertinente doit avoir pour but d’assurer aux humains le niveau de vie le plus élevé possible – autrement dit la capacité de se nourrir, de se chauffer, de se soigner ou de se déplacer – en tenant compte de nos moyens et notre temps limités. Pour ces diverses raisons, la liberté est la meilleure piste pour répondre aux défis actuels.
Nicolas Jutzet est responsable de projet à l’Institut Libéral.