Après l’abandon de la dollarisation comme solution à court terme, le monde attendait avec impatience de voir les premiers pas de Milei en tant que nouveau président de l’Argentine. Milei a pris ses fonctions en décembre avec un taux d’inflation annuel de 211 % (oui, vous avez bien lu). Malgré l’absence de réforme monétaire solide, le gouvernement de Milei est parvenu à réduire le taux d’inflation et à équilibrer le budget de l’État pendant trois mois consécutifs, attirant ainsi l’attention de certains médias internationaux. L’Argentine va-t-elle surprendre le monde en réalisant un miracle en matière d’inflation ?
Si l’amélioration rapide des chiffres de la fiscalité et de l’inflation est indéniable, il est encore trop tôt pour crier victoire. Il est loin d’être évident que la situation actuelle soit viable à moyen et long terme. Examinons d’abord les chiffres de l’inflation.
Pendant la campagne présidentielle, Sergio Massa, alors candidat et ministre de l’économie, a mis en place une politique expansionniste agressive – le Plan Platita – afin d’augmenter ses chances de remporter l’élection. En Argentine, le délai entre les chocs monétaires et le niveau des prix est nettement plus court qu’ailleurs, si bien que le plan de M. Massa a eu un impact presque immédiat sur le niveau des prix. Comme le montre le graphique ci-dessous, le taux d’inflation a atteint 25,5 % en décembre. Le taux d’inflation mensuel moyen entre décembre 2022 et novembre 2023 était de 8,3 %. Étant donné que le Plan Platita de Massa a pris fin après les élections présidentielles, on escomptait que le taux d’inflation mensuel revienne au niveau d’avant les élections. Le gouvernement de Milei est en train d’équilibrer le budget, mais la désinflation récente peut être largement attribuée à l’expiration des politiques de Massa. Pour que la désinflation se poursuive, il faudrait que le taux d’inflation mensuel tombe en dessous de 8,3 %. Cela se produira peut-être, mais l’Argentine n’en est pas encore là.
Le succès à long terme du plan de Milei dépendra de sa capacité à maintenir des excédents budgétaires. Les excédents budgétaires ont été principalement obtenus grâce à des réductions des dépenses publiques au cours des trois premiers mois de 2024. Plus précisément, le gouvernement 1) retarde les virements aux entreprises publiques et aux provinces et 2) réduit la valeur réelle des paiements au secteur privé et des retraites. Dans le premier cas, cela se traduit par une diminution des dépenses dans la trésorerie publique pour l’instant, mais ces paiements finiront par reprendre. Le second effort pourrait ne pas être politiquement viable. Plus de la moitié de l’ajustement des dépenses affecte directement le secteur privé et, selon Empiria Consultores, le salaire moyen en Argentine est désormais inférieur au seuil de pauvreté. Combien de temps Milei pourra-t-il encore maintenir cet effort avant de perdre le soutien de la population ?
L’Argentine a besoin d’une réforme fiscale pour réduire l’inflation. Cette réforme doit impérativement être crédible. Si la population perd confiance envers le gouvernement, et qu’elle commence à croire qu’il ne parviendra pas à dégager des budgets excédentaires à moyen et à long terme, la totalité des efforts pour atteindre la désinflation sera en danger. Autrement dit, un manque de confiance du public au sujet de la réforme fiscale pourrait mettre en péril l’ensemble du plan de stabilisation de Milei.
Les résultats fiscaux et les chiffres de l’inflation se sont nettement améliorés au cours des trois premiers mois du gouvernement Milei. Un examen plus approfondi de la manière dont ces chiffres ont été obtenus soulève toutefois des inquiétudes quant à leur viabilité à moyen et à long terme. Milei ne peut pas retarder indéfiniment les paiements aux entreprises publiques et aux provinces. Il ne sera peut-être pas non plus en mesure de maintenir les coupes réelles opérées dans les subventions et les retraites. En outre, le manque de soutien politique de Milei au Congrès ajoute à l’incertitude quant à sa capacité à faire passer avec succès des réformes visant à déréglementer le pays. Pour toutes ces raisons, il est prématuré de crier victoire sur le plan budgétaire et dans la lutte contre l’inflation en Argentine.
Le moyen le plus efficace de sortir de ce piège consisterait à annoncer une réforme monétaire concrète qui permettrait de rassurer les citoyens et d’apporter un choc positif à l’économie. Les réformes monétaires sont plus rapides à mettre en œuvre (et produisent leurs effets plus rapidement) que d’autres changements structurels, tels que l’équilibre budgétaire ou des réformes du marché du travail. Par ailleurs, une réforme monétaire crédible faciliterait l’adoption d’autres adaptations novatrices et permettrait de prendre des mesures de restriction budgétaire plus cohérentes et de progresser vers un budget stable et équilibré.
Dr. Nicolás Cachanosky est professeur associé d’économie et directeur du Centre pour la libre entreprise à l’Université du Texas à El Paso Woody L. Hunt College of Business.. Cette contribution est une traduction d’un texte publié en anglais sur le site de l’American Institute for Economic Research.