Toute l’Europe retient son souffle. Le gouvernement français va-t-il réussir à calmer les manifestations violentes dans les banlieues ? Les émeutes vont-elles s’étendre à d’autres pays européens ? Et que faire pour que cela ne se reproduise pas ?
La réponse à la première question est, bien sûr, « oui ». La France a une longue histoire de manifestations violentes, qui débouchent régulièrement sur des réformes. C’est comme cela que le pays « marche ». On peut évidemment déplorer le fait que les institutions démocratiques françaises ne permettent pas toujours d’engager des réformes dans le calme, mais on ne se refait pas. C’est une tradition républicaine que de manifester son mécontentement avec violence lorsque la coupe déborde. Les agriculteurs sont coutuniers du fait. Des fois c’est un changement de régime, mais le plus souvent, et plus modestement, ce sont des réformes qui en résultent. L’Etat, magnanime, pardonne – et agit (les agriculteurs violents ne sont que rarement poursuivis). Les manifestants rentrent chez eux. On pourrait même dire que les jeunes des banlieues françaises en émeute ont prouvé par leurs actes qu’ils se sont remarquablement bien intégrés — ils agissent comme de véritables Français.
Si cette analyse est juste, la réponse à la deuxième question est « non ». Les autres pays européens, qui possèdent également des minorités immigrées sans doute mal intégrées, ont d’autres traditions. Il serait surprenant de voir le système révolutionnaire français s’étendre par exemple, en Suisse, ou en Allemagne.
Mais — que faire ? Le premier responsable de la marginalisation de la jeunesse est évidemment le chômage. La très grande majorité de ces jeunes gens ne demande qu’à trouver un « boulot » et à s’intégrer à la société ambiante par le travail et l’échange. En France, et dans pas mal d’autres pays européens, pourtant, ils rencontrent un obstacle de taille : le salaire minimum légal. Ainsi, la loi interdit l’emploi à un salaire inférieur à un seuil fixé politiquement, dans le but d’éviter des abus de la part d’employeurs exploiteurs et de rassurer les ouvriers qu’ils ne risquent aucune concurrence de la part de la population immigrée. Mais fausses idées et bonnes intentions mènent au pire des résultats. A ce salaire, peu d’immigrés, et peu d’enfants d’immigrés, trouvent un emploi. Le salaire minimum est donc une immense usine à fabriquer le chômage, et à favoriser le travail « au noir ». Il est souvent complété par des dispositions garantissant un revenu minimum à toute personne sans ressources. Non seulement on fabrique du chômage, mais on paye les chômeurs pour y rester. Sinistre système, qui empêche les immigrés de s’intégrer par la façon la plus naturelle qui soit — par l’échange et le travail.
Pour sortir durablement de la crise il faudrait donc que la France abolisse à la fois le salaire et le revenu minimums. Elle ne va évidemment pas le faire. Pas cette fois. Mais je pense que l’on verra quelque chose qui lui ressemblera furieusement : je parie que le gouvernement français, le calme revenu après une répression à la mesure de la violence, proposera des emplois encore plus subventionnés, et restreindra l’accès au revenu minimum, pour toute personne jeune et en bonne santé… Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?